Making of du film Océans en Nouvelle Calédonie
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Making of du film Océans en Nouvelle Calédonie
STORY

Dans cet extrait : Barge de tournage, installation d’éclairage de surface et subaquatique, installation d’un studio de tournage sous l’eau, de rails de travelling pour la prise de vue sous-marine, scène des crabes…

Par Ludovic Savariello

Interview de René Heuzey, un des directeurs photos sous-marin du film « océans » de Jacques Perrin (producteur de « Microcosmos, Le peuple de l’Herbe » et réalisateur du « Peuple migrateur ») et de Jacques Cluzaud.

Ludovic Savariello : René, quel a été l’objectif du tournage du film « Océans » ?

René Heuzey : Jacques Perrin est un homme passionné par la mer et extrêmement sensible à la menace des océans causée par la pêche et la pollution. De ce fait, il a voulu réaliser un flm naturaliste engagé sur la protection de cet environnement. Le film « Océans » a donc eu comme objectif de montrer à la fois les merveilles et la fragilité de cet univers menacé.

LS : Combien de temps a duré cette aventure ?

RH : Le tournage a duré 4 ans avec 2 ans de préparation. Nous avons couvert environ 20 mers et océans différents. Il y avait 4 équipes de tournage sous-marin ainsi que 4 équipes pour l’extérieur. Au total, le tournage a fait travailler près de 150 personnes.

LS : Quelle a été la principale difficulté technique à surmonter pour un obtenir un film avec des images naturalistes saisissantes ?

RH : Jacques Perrin étant un homme de cinéma, ce dernier voulait tourner ce film en 35 mm. La problématique de la prise de vue sous-marine en 35 mm est celle de la longueur de la bande. En effet, pour pouvoir être là au bon moment, il a fallu rester des heures et des heures en plongée. Contrairement aux deux précédents films de Jacques Perrin, les scènes ont été tournées en situation réelle et la caméra a dû s’adapter aux animaux. La capacité de stockage d’une caméra en 35 mm n’était donc pas adaptée à un tel objectif. Nous avons utilisé des caméras HD (Haute Définition) mais en obtenant un rendu cinéma et non documentaire
comme ce que l’on est habitué à voir sur des émissions animalières. Par ailleurs, Jaques Perrin a voulu créer une dynamique nouvelle dans ce film avec des prises de vues inédites. Par exemple, nous avons fixé des caméras sur des torpilles, ou nous avons utilisé un système remorqué par un bateau avec une caméra intégrée. Ce système nous a permis d’avoir des plans de dauphins de
face et de côté comme si nous nagions avec eux.

LS : Comment avez-vous surmonté le problème du tournage en HD ?

RH : Dans la mesure où les images terrestres ont été tournées en 35 mm, nous étions obligés d’avoir la même sensibilité
d’images en sous-marin qu’en terrestre. Tout cela avec un rendu « cinéma » et non « télévision ». Pour cela, nous avons du gérer les problèmes techniques liés à la fois à la prise de vue sous-marine mais aussi à la HD comme par exemple le tournage avec une faible lumière. Nous y sommes arrivés grâce à une préparation qui a duré une semaine sur Marseille avant le tournage en compagnie de l’expert européen de la HD. Cela nous a permis de disposer de caméras ayant 50 minutes de film avec une autonomie en énergie de 3 heures. Grâce aux plongées réalisées en recycleurs, nous avons donc pu tourner sur des scènes pendant plus de 4 heures. Grâce à tout cela, nous avons pu être présents pour capter des séquences sous-marines exceptionnelles.

LS : Quel a été le rôle du directeur photos sous-marin sur le tournage ?

RH : Pour ce tournage spécifiquement, le directeur photos sous-marin avait délégation des réalisateurs pour le tournage des séquences. En effet, dans la mesure où il y avait 4 équipes de tournage sous-marin, les réalisateurs ne pouvaient pas être présents sur les 4 lieux de tournage différents, séparés par des milliers de kilomètres. Nous avions donc loué une borne satellite qui nous a
permis d’envoyer, chaque soir, nos images sur Paris et d’avoir le retour instantané des réalisateurs. Enfin, grâce à cette
délégation, nous avons pu proposer de nouvelles séquences en fonction des opportunités de rencontres du tournage.

LS : Comment avez-vous choisi les lieux pour le tournage de ce film ?

RH : Le film a été tourné avec une équipe d’une vingtaine de scientifiques tels que François Sarano (anciennement responsable scientifique de l’équipe Cousteau). Tous ces spécialistes nous ont donné les lieux et les dates correspondant à la présence des animaux que nous voulions filmer.

LS : Le fait d’avoir parcouru une vingtaine de mers et d’océans doit contribuer à constater in situ la disparition ou la raréfaction de certaines espèces menacées.

RH : Effectivement. Il me vient à l’esprit deux exemples flagrants. Tout d’abord, celui du thon rouge de Méditerranée. Cette espèce est fortement menacée. Il y a quelques années, les pêcheurs prenaient le thon rouge uniquement lorsque ce dernier rentrait en Méditerranée par le golfe de Gibraltar, c’est-à-dire aux environs du mois de mai. Aujourd’hui, avec l’augmentation des moyens techniques de pêche (bateaux à plus grande capacité de stockage, moyens aériens pour le repérage… ), les quantités pêchées chaque année augmentent considérablement. La demande japonaise étant constante tout au long de l’année, l’offre s’est adaptée. Les thons sont capturés lors de leur arrivée annuelle en méditerranée et sont ensuite parqués vivants dans des fermes, comme par exemple, à Malte. Grâce à cela, le thon est embarqué tous les deux à trois mois sur des bateaux japonais. Dans le même ordre d’idée, la menace qui pèse sur la survie des requins est elle aussi flagrante. Le « fining » ou pêche des ailerons en est en grande partie responsable.

LS : Pour conclure cette interview, quelle est ta rencontre la plus émouvante lors du tournage ?

RH : J’ai deux souvenirs magiques sur ce tournage. Tout d’abord, celui d’un petit pseudorque* avec lequel j’ai pu jouer pendant plus de dix minutes en Nouvelle Zélande. En fait, il m’a imité pendant toute cette rencontre. Lorsque je montais, il montait lui aussi,
lorsque je disais oui avec la tête, il faisait le même mouvement, lorsque je lâchais des bulles, il en lâchait également ! Pour moi ce fut vraiment un instant magique. C’était la première fois que je rencontrais un pseudorque, et il n’avait sûrement jamais croisé de plongeur du fait de l’éloignement du site choisi pour les besoins du tournage. Ma deuxième grande émotion, je l’ai eu à côté de Melbourne en Australie, en filmant la migration annuelle des crabes. Il faut imaginer pour cela une superficie équivalente à un terrain de foot recouverte de crabes sur une hauteur d’un mètre ! C’était vraiment exceptionnel. Lors du montage du film, des scientifiques ayant visionné cette scène m’ont avoué qu’ils n’avaient jamais vu une telle concentration !

*pseudorque : Le genre Pseudorca ne comprend qu’une seule espèce Pseudorca crassidens appelée communément fausse orque, pseudorque, ou faux épaulard. Comme l’orque, c’est une redoutable prédatrice. Ses proies préférées sont la bonite et le thon, mais elle n’hésite pas à s’attaquer à des dauphins, et parfois des requins ou de jeunes baleines.

L’article en version originale